"En brûlant les combustibles fossiles: nous entamons notre réserve d’oxygène" (un peu d’écologie scientifique) [Col68]
Encore une fois un article vieux de 50 ans dont il n’y a rien à retirer (ni malheureusement à ajouter, car rien n’a été fait pour prendre en compte les avertissement de l’écologie
scientifique — on ne parle pas de l’écologie
dont se prévalent certains politiciens, qui en est bien éloignée, ne parlant jamais de démographie à part quelques rares personnes comme Yves Cochet ou jadis René Dumont). Cet article est écrit par le professeur américain en écologie Lamont Cook Cole, dans le Science & Vie numéro 606 de mars 1968, inventeur du terme "écosphère" en 1958 (voir
ici).
Le problème du taux de
dans l’atmosphère était déjà listé, mais sous-estimé, puisqu’il est ici plutôt question de la raréfaction en
concomitante à l’oxydation (combustion) de ressources fossiles. Il est possible que l’auteur minimisait le premier phénomène du fait de la capacité des océans à réguler le
atmosphérique (p.54), ceci indépendamment de toute considération de photosynthèse. De manière intéressante
cette page Wikipedia on lit, en février 2021:
Notons finalement que bien qu’elle modifie l’atmosphère par, notamment, l’augmentation du dioxyde de carbone, l’activité humaine n’engendre pas d’effets significatifs sur la quantité d’oxygène dans l’atmosphère.
Cole aurait dont été dans le faux dans son article d’après Wikipedia. Cela paraît étonnant: n’avait-il rien quantifié et uniquement usé de raisonnements qualitatifs? Cela semble impossible pour un professeur sérieux, même si sa phrase de la page 58 est conditionnée à la circonstance "Quand nous atteindrons le point où le taux de combustion dépassera le taux de photosynthèse"; ce qui n’est peut-être pas le cas actuellement. En réalité il suffit de chercher un peu plus pour trouver des informations récentes allant dans le sens de Cole
ici:
Lors des 800 000 dernières années, l’oxygène a connu une baisse de 0,7%. Pas de quoi s’affoler, sauf que lors du dernier siècle, cette diminution s’est notablement accélérée pour atteindre 0,1%. Cette accélération a une cause anthropique certaine. "En effet, la combustion qui est à la base de nos moteurs est une réaction d’oxydoréduction qui consomme de l’oxygène", rappellent les auteurs.
L’article continue:
Si cette histoire récente est sans surprise, il est plus compliqué d’expliquer pourquoi sur des périodes géologiques longues l’oxygène de l’air décroit sans être accompagné par une augmentation des teneurs moyennes en
, relativement stables sur cette période malgré des variations expliquant les âges glaciaires.
La raison confirme le texte de Cole: contrairement à l’oxygène qui peut varier dans de grandes proportions dans l’atmosphère, le
serait mieux régulé par divers phénomènes de tamponnage, comme par les océans. Donc Cole avait tout prévu en 1968, certes avec une légère propension à négliger le réchauffement par augmentation du taux de
. De plus rien ne dit que ces phénomènes de tamponnage ne prennent pas des millions d’années pour être efficaces, ce que les auteurs de Princeton mentionnent dans leur article.
Ajoutons que la photosynthèse s’arrête à partir d’une certaine température donc l’article de Cole pourrait bientôt être tout à fait d’actualité.
Voici les points importants de l’article:
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p.53: le taux d’oxygène est monté dans l’atmosphère lorsque de la matière organique a été enfouie dans le sol petit à petit, la protégeant de l’oxydation et des organismes "oxydants" comme les animaux. Celle-ci s’est transformée en donnant charbon, pétrole, gaz.
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p.54: au bout d’un moment un nouvel équilibre a été atteint, avec un taux d’O2 vers 20% [JSA: car de nouveaux processus permettaient l’oxydation à profondeur faible, contrairement aux premiers temps?].
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p.55: point central de l’article: en sortant ces minerais du sol et les oxydant (brûlant), on consomme l’oxygène qui s’était formé par l’opération inverse d’enfouissement; et la photosynthèse n’est pas forcément suffisante pour regénérer l’oxygène. Et donc, p.58: "Quand nous atteindrons le point où le taux de combustion dépassera le taux de photosynthèse, nous ne devrons pas seulement craindre de manquer d’oxygène la nuit et pendant l’hiver, mais la quantité d’oxygène contenue dans l’atmosphère se mettra à décroître. Si cela se produisait graduellement, l’effet serait à peu près le même que lorsqu’on monte à plus haute altitude […] Lloyd Berkner, cependant, était moins optimiste: il pensait que cet épuisement de l’atmosphère pouvait intervenir de façon soudaine et désastreuse."
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p.54: cycle de l’azote plus complexe que celui de l’oxygène. Nécessaire pour créer des protéines. Des bactéries font de l’ammoniaque
à partir du
atmosphérique. D’autres en font du nitrate
. Ces deux composés nitrate et ammoniaque sont utilisés par les plantes vertes, et la putréfaction puis d’autres micro-organismes rendent l’azote à l’atmosphère. JSA: le nitrate d’ammonium tristement célèbre est composé de l’ion nitrate
et de l’ion ammonium
.
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p.54: phosphore et potassium ont aussi leur propre cycle. Mais finissent dans les océans. JSA: ils doivent donc être renouvelés en permanence, et les arbres s’en chargent via leurs racines où prolifèrent des champignons capables de dissoudre la roche.
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p.54: cycle du carbone: son grand réservoir est dans les océans: un équilibre existe. Si la concentration augmente dans l’atmosphère, les océans le dissolvent et le précipitent sous forme de calcaire. p.58: l’autre phénomène à prendre en compte pour la régulation du taux de carbone dans l’atmosphère est bien sûr la photosynthèse, qui d’ailleurs aussi se passe majoritairement dans les océans (diatomées). Il n’y a pas de raison de penser que la photosynthèse augmente de manière à compenser la libération anthropique de carbone dans l’atmosphère, ou la diminution d’oxygène. Vu les informations récentes données plus haut, il semble que cela n’est effectivement pas le cas.
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p.54: premiers rassemblement humains dans les vallées des fleuves. Lorsqu’on découvrit qu’on pouvait conserver certains aliments (e.g. graines), et qu’on comprit comment irriguer, les hommes se spécialisèrent et se groupèrent en villages, ces rassemblements provoquèrent épidémies, guerres, famines, mais la population continua à croître. p.55: "Platon [né en -427] savait que le déboisement et une pâture excessive pouvait entraîner une érosion qui ruinerait des terres fertiles: mille ans auparavant, de grandes civilisations s’étaient détruites elles-mêmes du fait de pratiques agricoles fautives.". Certaines villes anciennes en Irak sont sous dix mètres de vase (anciens marécages provoqués par l’érosion).
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p.58: effet de serre: "Le gaz carbonique aussi bien que la vapeur d’eau atmosphérique sont plus transparents aux ondes courtes du rayonnement solaire qu’aux grandes ondes du rayonnement calorique de la terre vers l’espace. Ce qui tend à élever la température de surface et risque d’altérer les climats d’une façon qui reste très controversée mais que tout le monde s’accorde à juger indésirable.".
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p.58: "En tout cas, si nous ne nous détruisons pas nous-mêmes avant, nous finirons par manquer de combustibles fossiles, et sans doute d’ici peu de générations. Vraisemblablement alors, nous devrons nous tourner vers l’énergie atomique et affronter de terribles problèmes de pollution."
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p.58: le
émis par les avions poserait plus problème que les voitures, car plus loin de la surface des océans: "l’avion, qui peut avoir une importance disproportionnée, parce qu’il répand son gaz carbonique et son eau à haute altitude, où ils mettent longtemps à disparaître de l’atmosphère.".
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p.59: "Cela donne des isotopes à vie longue et biologiquement dangereux comme le Strontium 90 et le Césium 137, qui devraient être stockés pour au moins 1000 ans en des lieux où ils ne pourraient contaminer l’environnement; or, une bonne proportion des réservoirs employés jusqu’ici commencent à fuir au bout de vingt ans. Ce processus libère aussi dans l’atmosphère du Krypton 85, qui s’ajoute aux radiations auxquelles est exposée l’atmosphère — l’homme y compris — et personne, à ma connaissance, ne sait le moyen de l’éviter. On nous fait miroiter des perspectives de bombes "propres" et de centrales thermonucléaires qui ne produiraient pas de tels isotopes, mais, autant que je sache, nul ne sait encore comment y parvenir. Et si l’on y parvient, ces réacteurs produiront de nouveaux polluants, notamment du Tritium qui, s’intégrant à l’eau — et donnant de l’eau radioactive à vie longue — contaminera tout l’environnement et les organismes vivants."
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p.59: le césium se comporte comme le potassium dans les chaînes alimentaires biologiques. JSA: et le strontium comme le calcium!
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p.59: "Il m’alarme de voir suggérer presque quotidiennement des moyens d’augmenter la production alimentaire pour "suivre la croissance de la population", mais si rarement, et d’ordinaire dans des publications confidentielles, de rencontrer des auteurs pour reconnaître cette évidence qu’il est impossible de nourrir une population qui continue à croître exponentiellement, comme le fait maintenant la nôtre, d’au moins 1.7% par an."
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p.126: "Au Japon et dans les pays d’Europe orientale qui ont légalisé l’avortement sur simple demande, les taux de natalité ont diminué spectaculairement. […] de toute évidence une grande partie des enfants qui naissent aujourd’hui dans le monde ne sont pas désirés. Nous devons commencer, à mon avis, par éviter ces naissances non souhaitées, puis examiner quelles mesures supplémentaires — des "pénalisations familiales", par exemple — pourraient éventuellement s’imposer.": tout est dit clairement. Plus de 50 ans après pas un mot n’est à enlever ou à ajouter; les politiques n’ont en aucun cas pris en considération ces remarques des scientifiques.
References
[Col68] En brûlant les combustibles fossiles: nous entamons notre réserve d'oxygène. Cole, Lamont. Science & Vie. Number 606. March 1968. p.53ff